Haïti

L'indemnité de 1825

Dès 1814, le gouvernement de Louis XVIII mène des négociations pour conserver son emprise sur la nouvelle république. Le refus haïtien est catégorique mais le président Alexandre Pétion propose « d’établir les bases d’une indemnité convenue, que nous nous engageons tous solennellement à payer » contre la reconnaissance de la souveraineté de l’Etat d’Haïti.

Au Congrès de Vienne de 1815, la France fait reconnaître ses droits sur « sa colonie de Saint-Domingue ».

Quelques années plus tard, en 1821, la France propose de « consacrer l’indépendance d’Haïti » contre le maintien de son protectorat sur le pays, la garantie de relations commerciales préférentielles et le versement d’une indemnité pour réparer les préjudices des propriétaires français. Le Président Boyer veut, lui, une reconnaissance de la souveraineté d’Haïti « pure et simple » mais il accepte le principe d’une indemnité à condition qu’elle soit « raisonnablement calculée ». Sur le plan commercial, Haïti consent à traiter la France sur le pied de l’égalité avec les nations les plus favorisées.
Le 16 août 1823 s’ouvrent « les négociations de Bruxelles », entre Haïti et la France, sur un « traité de commerce qui devait avoir pour base la reconnaissance de l’indépendance nationale ». Haïti propose de calculer l’indemnité sous la forme d’un abaissement des droits de douane sur les produits français soit une somme totale de 15 à 20 millions sur dix ans.
Les négociations se poursuivent en 1824. Le président Boyer propose alors le versement en cinq termes d’une indemnité dont le montant ne doit pas dépasser 100 millions de francs, ainsi qu’une clause de la nation la plus favorisée pour la France. Les discussions sont interrompues, entre autres, car le roi de France ne veut reconnaître que l’indépendance de la partie française de l’île de Saint-Domingue (alors qu’Haïti souhaite la réunification des deux parties de l’île).
Le 3 juillet 1825, trois navires de guerre suivis quelques jours plus tard, par deux escadres arrivent en rade de Port-au-Prince. À leur bord se trouve le capitaine de Mackau qui est chargé par Charles X d’obtenir l’agrément du président Boyer aux conditions de la France, y compris par la contrainte.
Le 11 juillet 1825, le Sénat haïtien autorise le président Boyer à ratifier l’ordonnance de Charles X datée du 17 avril 1825 et dont les 2 principaux articles sont :
« Article 2) Les habitants actuels de la partie française de Saint-Domingue verseront à la Caisse Centrale des Dépôts et Consignations de France, en cinq termes égaux, d’année en année, le premier échéant le 31 décembre 1825, la somme de 150 millions de francs, destinée à dédommager les anciens colons qui réclameront une indemnité.»
« Article 3) Nous concédons à ces conditions, par la présente ordonnance, aux habitants actuels de la partie française de Saint-Domingue, l’indépendance pleine et entière de leur gouvernement ».

L’ indemnité de 150 millions de francs est calculée sur la valeur des biens fonciers, ruraux ou citadins, des anciens propriétaires français présents dans la colonie en 1789. D’après les textes officiels, les esclavisés n’auraient pas été inclus dans le calcul de l’indemnisation. Cependant, selon Frédérique Beauvois qui cite une note du commissaire français Dauxion-Lavaysse, le nombre d’esclaves des habitations et leur type d’activité ont été pris en compte pour déterminer la valeur des biens des planteurs.
Les sommes allouées par la commission chargée de déterminer le montant de l’indemnité, à redistribuer à chaque demandeur, devaient correspondre à 10% de la valeur du bien perdu. Cependant, les sommes effectivement perçues par les propriétaires ou leurs ayants droit réclamants ne correspondent pas aux sommes allouées entre 1828 et 1834. En effet, le montant initial de l’indemnité est réduit à 90 millions de francs en 1838. Sur cette nouvelle somme, 30 millions ont déjà été versés et le solde de 60 millions devait être étalé sur 30 ans.


Entre 1826 et 1833 , à la suite de l’Ordonnance royale concernant l'indemnité attribuée aux anciens colons de Saint-Domingue (9 mai 1826, portant sur l'exécution de la loi du 30 avril - 13 mai 1826), une commission royale a vérifié plus de 27 000 demandes de propriétaires de Saint-Domingue et leurs ayants droit, n’en retenant finalement qu’une partie. Entre 1828 et 1834, la commission a publié en six volumes les résultats de ses travaux sous le titre d’État détaillé des liquidations opérées par la Commission chargée de répartir l'indemnité attribuée aux anciens colons de Saint-Domingue, en exécution de la loi du 30 avril 1826. Ils sont conservés aux Archives Nationales d’Outre-Mer sous la cote D64.
La « base de 1825 » reprend ces éléments et donne des renseignements sur 9400 personnes, dont 7900 planteurs et 1500 autres propriétaires, citadins ou ruraux, quelle que soit leur catégorie de couleur, car l’ordonnance de 1826 prévoyait d’indemniser également les libres de couleur qui étaient restés fidèles à la France.
Chacune des personnes inscrites dans « la base de 1825 » s’est vue octroyée une indemnité par la commission royale chargée de vérifier les droits des propriétaires ou de leurs ayants droits, mais rien ne peut garantir à ce stade que les sommes leur ont été versées.

Des compléments d’informations sur les demandeurs peuvent être trouvées dans les dossiers des indemnités traitées (ANOM 10DPPC 211-307) et non traitées (ANOM 10 DPPC 308-701).