Cartographies

Localiser les indemnitaires

L’étude des bénéficiaires de l’indemnité coloniale de 1849 contribue à l’écriture d’une histoire sociale des colonies françaises. Cartographier les indemnitaires permet interroger les espaces et territoires sous un prisme nouveau, que ce soit les unités de production, les plantations, ou les villes.

Dans les campagnes des Antilles, de Guyane et de la Réunion, les habitations étaient des lieux de résidence et d’exploitation agricole. Les plus importantes étaient destinées à la production sucrière. Ces habitations-sucrières de grande dimension, généralement plus de 100 ha, comptaient plusieurs dizaines d’esclavés. Elles sont souvent associées à de grandes familles créoles. Les cultures dites « secondaires », tabac, indigo, cacao, café et cultures vivrières, plus modestes, étaient tenues par des propriétaires aux profils plus variés, de petits propriétaires « blancs », aux Libres de couleur, dont un certain nombre étaient des femmes. L’histoire de ces habitations est bien documentée et rend compte de la diversité des situations dans les campagnes.

La ville, interface entre le monde des plantations et les métropoles coloniales, a souvent été analysée par l’historiographie sous l’angle de ses fonctions portuaires et économiques, et s’est plus rarement attachée à décrire le cadre urbain en lui-même. Espaces privilégiés des « groupes intermédiaires », les villes ont permis aux Libres de couleur, "petits blancs", et même aux esclavisés d’échapper au modèle social de la plantation. Les villes ont été considérées par les habitants-propriétaires comme une menace pour le système d’habitation. 

Les villes et comptoirs français du Sénégal concentrent les habitants les plus influents de la colonie. Essentiellement mulâtres, en particulier quelques signares, ils pratiquent le commerce de la gomme, activité principale de la colonie. Moins nombreux, l’identification et la localisation de ces propriétaires se font dans des proportions bien différentes des contextes antillo-guyanais et réunionais. Le cas sénégalais est comparable sous cet aspect à ceux de Nosy Be et Sainte Marie de Madagascar.

Celle de Sainte Marie, est investie à partir de 1818 par les troupes françaises et devient, à partir de 1825, un lieu de déportation pour les esclaves de la Réunion « qualifiés de dangereux ». Absents, les propriétaires sont pour la plupart originaires de l’Île Bourbon ou de la métropole. À l’ouest de Madagascar, sur l’île de Nosy Be en revanche, les propriétaires d’esclaves sont présents. Les notables sakalava malgaches, qui tirent leur prestige du nombre de leurs esclaves, sont majoritaires. Seule une vingtaine de colons français sont présents au moment de l’abolition. 

Les données de localisation qui seront complétées sur les fiches personne au fur et à mesure du développement de la base permettront de les situer plus précisément dans les colonies.

Présentation des cartes

Guadeloupe

L'archipel guadeloupéen offre des espaces d'exploitation situés à de faibles altitudes sur des sols calcaires, balayés par les alizés et marqués par la présence de nombreuses rivières qui dévalent les pentes du massif forestier central. Dans la Grande-Terre, les nombreuses habitations de taille importante modèlent les paysages du nord. À l'Est, sur la frange littorale, les propriétés sont plus petites, de même que sur les terres morneuses du Gosier et la zone marécageuse des Abymes. En dehors de ces deux zones, les parcelles sont découpées de manière géométriques. En Grande-Terre comme en Basse-Terre, les habitations sont dispersées, et les bourgs, qui émergent en complément de ces unités, se trouvent presque toujours en situation littorale. Les exploitations vivrières avoisinent les villes de Basse-Terre et Pointe-à-Pitre.
La colonie a reçu au total 87 847 captifs africains dont 63 % entre 1701 et 1800. En 1847, la population de statut esclave s’élève à 87752 personnes, soit 68% de la population totale.

Guyane

Après plusieurs échecs de colonisation, une tentative de transformation de la Guyane en colonie à sucre est faite au début du XIXe siècle avec le projet de remplacer la production de Saint-Domingue. Jusqu’alors le roucou, girofle et coton dominaient. La part de terre consacrée à la culture de la canne triple et, entre 1801 et 1830, 16 674 captifs africains sont introduits soit 45% du nombre total de captifs déportés dans la colonie. En 1848, il est estimé que 12 525 personnes de statut esclave sont affranchies.

Martinique

L’installation coloniale en Martinique se fait à partir des années 1635 à partir du Carbet .
Entre 1642 et 1810, plus de 261 044 captifs africains arrivent dans la colonie, dont 74% au XVIIIè siècle (slaves voyages). La culture du sucre se développe rapidement, notamment le sucre terré (c’est-à-dire purifié) mais aussi le café, le cacao (1er rang de colonies françaises en 1789) et le coton. En 1847, 60% de la population est de statut esclave ; elle est estimée à 72859 personnes.

Nosy Be

La colonie de Nosy Be, au Nord de Madagascar est sous administration française depuis 1840 mais l’économie et la vie sociale reste principalement régie par les aristocrates Sakalava Bemihisatra, Bemazava et Antankarana qui, par le droit indigène, peuvent conserver leurs esclaves. En décembre 1848, la population est évaluée à 20592 personnes, dont 6730 de statut esclave (soit 32%). Le 16 janvier 1849, la loi d’abolition est proclamée par l’administration française. Une grande partie des propriétaires quittent l’île avec leurs esclaves (environ 5300) malgré la promesse d’une indemnité, d’autant qu’ils estiment que le prix par esclave est sous-estimé. Le 18 juin 1849, une armée de 3000 à 4000 Sakalava tente de chasser les Français et d’interrompre le processus d’émancipation mais échoue.
De ce fait les listes des indemnisés ont été singulièrement raccourcies, car les propriétaires exilés furent rayés des listes indemnitaires.
L’indemnité fut finalement versée en 1851. Cette somme fut fixée à 86348 francs pour indemniser les propriétaires des 1413 esclaves restés dans l’île, soit une indemnité moyenne de 61 francs par esclaves. Certaines familles sakalava, comme les Tsifohy, haut dignitaire sakalava et propriétaire de 141 esclaves, ont perçu d’importantes indemnités qui ont été réinvesties dans le commerce local ou dans des plantations. Les versements en numéraire ont contribué à transférer les avoirs des élites restées fidèles à l’administration françaises dans la nouvelle économie coloniale.

Réunion

En 1640, Les Français prennent possession de l’Ile Bourbon. Propriété de la Compagnie des Indes Orientales, elle est considérée comme une escale sur la route des Indes. Le café et les épices sont les productions principales puis sont remplacées par le sucre qui s’impose comme monoculture au XIXe siècle. La population de statut esclave à la veille de l’abolition de l’esclavage, est estimée à 60 651 personnes, soit 58,3 % de la population totale de la colonie et 24,4 % du total des esclavisés des colonies françaises.

Sainte-Marie

L’ile cédée à la France en 1750 devient une colonie française en 1820-1822. Des cultures sont développées comme le bois, la canne à sucre, le riz ainsi que l’élevage des bœufs. Le 27 avril 1848, dans cette colonie et celle de Nosy Bé (car les statistiques les confondent) 3500 esclavisés sont libérés.

Sénégal


En 1848, la France possède quelques implantations au Sénégal qui sont des points de négoce: Saint-Louis, et ses faubourgs de Guet N’dar, de Bouët-ville et de N’dar Toute, Gorée, les comptoirs de Sédhiou et de Carabane ainsi que tous les postes militaires de la Colonie du Sénégal et dépendances. La traite des captifs vers les colonies de l’Atlantique et le commerce de la gomme et l’arachide dominent les activités économiques. A la veille de l’abolition de l’esclavage, il y a 9800 esclaves libérés et 550 engagés à temps qui sont inclus dans la loi du 27 avril 1848.